Algérie : le suicide pour tous !
Mots clés : Bouteflika, Pouvoir, Boumediene, Corruption, Identité,Algérien
"La tragédie ne commença pas quand la libération du pays tout entier anéantit, presque automatiquement, les îlots cachés de liberté qui étaient condamnés de toute façon, mais quand il s’avéra qu’il n’y avait aucune conscience pour hériter et questionner, méditer et se souvenir." (1)
Un Printemps Arabe, est le titre du livre document de Benoist-Mechin datant de 1975, après avoir parcouru des dizaines de milliers de km à travers plusieurs pays du Proche-Orient côtoyant pendant des mois toutes les catégories sociales du fella, prince, sultan, raïs, l’auteur écrit dès l’introduction, : "Jadis (années 40), tout était baigné de lumière, mais périlleux. Aujourd’hui (années 70) tout est sombre, mais pacifique. Si pacifique vraiment ?" On peut ajouter sans pessimisme ajouté que le printemps arabe des années 2000 se montre bien sombre et bien périlleux. Le trio musulman, arabe, africain a l’aspect d’un triangle des Bermudes avec des gènes kamikazes à tous ses sommets. Musulman : avec le terrorisme, on l’a bien compris qu’il ne suffit pas de croire en Allah et son dernier prophète pour sauver sa tête, il faut aussi la baraka des prédicateurs à la mode. Arabe : sunnite ou chiite ? Pour nous les Algériens, on est à 100% du bon côté de la scission. Mais l’Afrique nous rattrape avec nos ethnies survivantes qui entretiennent le feu sous la marmite de l’ogresse : Kabyles Chaouias Mozabites Touaregs et le reste des harkis toutes catégories confondues avec combinaisons infinies.
On est dans des ensembles vicieux, une boîte de Pandore s’ouvrant en poupées russes dont chacune est clonée à la boîte-mère. Auparavant, on disait que c’est les colons qui divisaient, aujourd’hui, qui assure notre division ? Réponse officielle et officieuse : l’Occident et son compère Israël qui bavent sur notre âge d’or et or noir. Cela a un peu marché hier, maintenant cela ne marche plus. Malgré nos médias soporifiques, malgré nos paraboles pirates, malgré notre réseau internet fossilisé, nous sommes conscients que la locomotive mondiale va nous entraîner avec nos pharaons en carton de gré ou de force, mort ou vif. Dire que c’est l’ennemi qui nous manipule ce n’est pas flatteur pour la pyramide à tous ses étages. C’est nier la révolution revendiquée à cri et à corps, reconnaitre l’aliénation à distance et une indépendance attrape-nigaud. Par définition, une révolution n’est-elle pas un mal qui vire au bien ? Le proverbe dit qu’il vaut mieux avoir un ennemi intelligent qu’un ami idiot, nous avons perdu un ennemi étranger intelligent pour nous retrouver entre les griffes d’un ennemi frère idiot. Avec des nuances puisque ce dernier ne perd jamais la boule pour assurer ses arrières, quitte à faire de l’ennemi d’hier l’ami d’aujourd’hui. En parlant de l’époque coloniale, Mechin parle de lumière et péril. Or le mot lumière, l’auteur le tire d’un poème égyptien en l’honneur de Napoléon, le"Sultan el Kébir" : "Tu es doux comme le pépin de la grenade. Quand tu proclames la paix, Quand tes mains apportent l’Édit- Qui rend le peuple heureux – Ya Salaam !- Nous t’avons regretté, général, - Si beau dans ton manteau,- Toi dont l’épée a fait de l’Egypte, -Un cimetière de Mamelouks,- Ya Salaam ! – O Républicain génial- A la mèche légendaire,- Tu as apporté à l’Egypte la lumière, - Brillante comme une lampe de cristal,- Ya Salaam !" Les Egyptiens avaient leurs Mamelouks comme nous nos Janissaires, mais sans un Napoléon accompagné de sa pléiade de savants universels. Aujourd’hui, nos frères égyptiens revendiquent la démocratie, pour certains le droit à l’athéisme, à leurs frères musulmans pendant que nous, nous demandons une simple augmentation de salaire à nos frères révolutionnaires. Quant à la Turquie, l’Empire ottoman des Janissaires, le fauteuil du Premier ministre islamiste est en train de vaciller pour un espace vert planifié pour devenir un centre commercial et une mosquée.
Et puis quel intérêt ont les Occidentaux à manipuler la populace, il leur suffit de manipuler les chefs qui tiennent les robinets de l’or noir, c’est plus intelligent. La manipulation peut s’avérer contamination. Combien de Français de souche, blonds yeux bleus, peuvent se permettre de se soigner au Val-de-Grâce et prendre leur convalescence aux Invalides ? La Grèce berceau de la civilisation universelle a vendu 24 de ses îles aux 24 rejetons du prince du Qatar qui a détrôné son papa trop pressé pour réaliser ses "fabuleux" projets. Bébé monstre qui s’amuse à tout acheter pour tout faire exploser en feu d’artifice : printemps arabe télés foot etc.
La division c’est l’opération la plus facile quand on a un gros ventre et un petit cerveau. Avant même l’Indépendance le trublion amazigh était dans le collimateur, la Kabylie cette rescapée de l’érosion historique qui avait bravé Romains, Turcs, Français trouva en Boumediene le moustique-tueur d’Alexandre le Grand. Et le grand Rais avait d’autres frayeurs surtout ces étudiants francophones malgré eux, toutes ethnies confondues, excités à l’idée de relever les défis de leur patrie libérée. Dans notre histoire, une hirondelle ne fait pas seulement le printemps mais toutes les saisons. Fait unique dans le monde arabe : un homme a décidé de tout "désalgerianisé" et gommer ainsi une histoire millénaire sous fond d’un socialisme spécifique marié à un Islam d’État rien que ça. Si l’impossible n’est pas Français selon Napoléon, Boumediene l’a fait son synonyme oubliant que l’empereur parlait en chef de guerre à son général pour l’encourager à tenir sa place et ne pas reculer face à l’ennemi. Il fallait attendre Chadli pour tout "déboumédiéniser" quoi, le chaos. Sur le Berbère, E.-F. Gautier écrit, "Une civilisation autonome, un art, une littérature, une langue même, un peuple conscient de son existence, un État organisé, tout cela ce sont des luxes très coûteux à base capitaliste…" L’impérialisme romain puis l’invasion (ou ouverture selon) des Arabes hilaliens avaient mis fin au projet de l’unité du Maghreb rêvée par Massinissa au II siècle av. J.-C. Si nous ne sommes pas issus d’une humanité inférieure, comment sommes arrivés à n’être dirigés que par des inférieurs honteux traumatisés par nos racines. On ne demande pas la lune, simplement un président qui commence son discours par : "Nous les Algériens…" et illico il fera de la pâte à modeler que nous sommes une nation pas des tribus dressées l’une contre l’autre afin qu’elles soient sauvées du messie par le messie.
En France, Le Pen s’adresse aux Français, il n’a pas osé remonter aux Gaulois. Aujourd’hui, les slogans creux ont tellement servi que nos politiciens ne prennent même plus la peine de les ânonner, la corruption en douce produit autant d’ethnies cannibales qu’on veut. La plus visible c’est les logements dits sociaux rien à voir avec ce qui se passe ailleurs où la transparence fait la loi au point où le bénéficiaire est le cas le plus social souvent l’émigré et sa nombreuse progéniture. Chez nous, effrayés à l’idée de payer des éboueurs pour maitriser des déchets qui nuisent à la santé de tous leurs administrés, nos responsables sont tous partants, mariée robe blanche youyous et talisman à l’appui, pour sacrifier des sommes diablement plus colossales pour offrir des logements à leurs chers SDF. Pas bêtes, ils ont légalement leur quota pour graisser les pattes qui les caressent sans oublier le gentil SDF bien efficace, une fois récompensé, pour surveiller le méchant SDF. La distribution de nos logements sociaux est vraiment une mine d’inspiration pour des chercheurs voulant répondre à la question où va l’Algérie de feu Boudiaf. Vaste est le sujet de notre humiliation, de notre baraka qui nous donne les émeutiers d’un côté les bienheureux d’un autre ; "après notre paradis leur enfer", l’entre-deux qui fait l’équilibre des autres nous est interdit. Dans cette diabolique charcuterie, il faut ajouter les catastrophes naturelles qui n’ont rien de naturelles quand elles frappent toujours les mêmes parias, le code de l’apartheid entre les deux sexes, les barrages qui font de l’état d’urgence l’état normal, des murs qui flirtent avec les nuages, un ciel à contempler à travers des barreaux… avec zéro touriste, zéro communauté venue d’ailleurs, zéro religion étrangère. Conclusion : le pire ennemi de l’Algérien est l’Algérien. Psychologiquement sociologiquement ça s’explique, heureusement. Chez tous les humains, les mêmes mécanismes produisent les mêmes résultats, la cocotte-minute fabriquée n’importe où explose suivant la même règle. Comment rêver de démocratie sans démocrates, d’avancées scientifiques sans élites, d’une cohésion sociale dans un asile de fous ? Sauf qu’avec le vrai fou, il n’y a pas de réputation à salir ni à blanchir, c’est pathologique. On dit qu’il n’y a pas de fumée sans feu, le pire c’est le feu sans fumée, on y tombe dedans avec le sourire. "Le premier coup que les princes portent à la liberté n’est pas de violer avec audace les lois, mais de les faire oublier…Pour enchainer les peuples, ils commencent à les endormir" (2).
Dur d’être Algérien. Exemple, la déclaration récente du conseiller économique à l’ambassade chinoise affirmant que c’est les commerçants algériens qui choisissent exprès la camelote pour la vendre à leurs concitoyens. On le rassure, nous les damnés de la terre à la Frantz Fanon, on connaît ce que camelote veut dire avant même que le géant chinois ne se réveille et n’inonde le monde de ses produits de qualité. On s’habille camelote, on mange camelote, on vit camelote, nos maisons, nos rues, nos hôpitaux, nos écoles, tout est camelote, sauf notre système bien sûr. Mais il y a des degrés dans la camelote, du temps du Souk el fellah, pour une plaquette d’œufs, un kilo de beurre, l’État patron nous obligeait à acheter des boîtes de conserve pourries, de la semoule cancérigène direction la poubelle. Aujourd’hui, la camelote venue d’ailleurs ne se contente pas de nous ruiner, elle nous tue. Et la respectable ambassade chinoise qui délivre les visas à cette engeance doit avoir les dossiers de ces tueurs en série pour les dénoncer à qui de droit si la conscience y est. Ce n’est pas des pauvres harragas qui, s’ils échappent à la noyade finissent derrière nos barreaux ou dans un camp étranger. Un jour, un autre porte-parole chinois interpellé en Belgique au sujet d’un chargement de dentifrice frelaté, a affirmé face à la caméra que leurs produits pour l’Europe sont différents de ceux pour l’Afrique. On a bien compris que la Belgique comme récemment la France avec les fausses boîtes d’aspirine ne sont que des pays où transitent ces déchets y compris nucléaires . Au moins, l’irréprochable diplomate commercial de l’ambassade chinoise reconnait implicitement qu’en Algérie rien ne protège la populace, surtout pas les autorités censées le faire et que les réseaux criminels agissent en toute légalité avec moult complicités respectables. Il rassure, les mauvaises langues que nous sommes. Bien qu’il ait raté l’occasion de se taire car un mort chez nous est un mort, on crève d’une couleuvre empoisonnée ou naturelle chinoise ou martienne, pas d’enquête, notre meilleure autopsie c’est docteur mektoub.
Voilà, question réputation, nous sommes fichus, on nous divise du berceau au tombeau et nous nous divisons à tous les diables. Continuons comme cela et c’est le suicide pour tous. Nos ancêtres analphabètes ont cohabité pacifiquement avec toutes les races, toutes les religions, toutes les croyances et ils ne se sont pas réveillés un jour pour massacrer tout ce beau monde. Une guerre, un génocide, une épuration, c’est trop sérieux pour laisser leur planification à la masse, la preuve on ne peut même pas marcher dans les rues d’Alger pour un printemps qui au mieux nous débarrasserait d’un Rais moribond, au pire, mettrait un général derrière un mollah. Avec des médias réguliers piratés, des réseaux sociaux atteints du virus mouche tsé-tsé, nous savons que seule l’union fait la force surtout chez les plus faibles et malgré cela nous nous entêtons à être plus divisibles qu’avant. "Il ne fait pas bon être arabe de nos jours. Sentiment de persécution pour les uns, haine de soi pour les autres, le mal d’être est la chose du monde arabe la mieux partagée." (3) En Algérie, on peut commencer par être Algériens simplement. En tous les cas on n’a plus le choix…
Mimi Missiva
(1) Hannah Arendt ( La Crise de la Culture)
(2) Jean-Paul Marat (L’Ami du Peuple)
(3) Samir Kassir, journaliste libanais assassiné à Beyrouth en 2004 (Considérations sur le Malheur Arabe)
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