Brahim Brahimi à Béjaia : « Le pouvoir ne peut plus cacher l’information»
dimanche 17 mars 2013 à 20:26 · 0 Commentaires - Patager sur : Votre Facebook -Votre Twitter - Email cet articleDans une conférence tenue au bureau de Béjaia de la ligue algérienne des Droits de l’Homme (LADDH), samedi passé, le professeur Brahim Brahimi est longuement revenu sur la question des droits de l’Homme et de la liberté d’expression en Algérie.
Directeur de l’Ecole nationale de journalisme et auteur de plusieurs livres sur la presse algérienne et la liberté de l’information et de l’expression, le professeur a tenu à souligner que la notion des droits de l’homme n’est nullement étrangère à la société algérienne. « J’ai publié un article en 1975 sur l’enseignement et les droits de l’homme. Nous avons tendance à oublier qu’il y avait des gens qui écrivaient sur les droits de l’homme et que la résistance du peuple algérien fait partie des droits de l’homme », a déclaré Brahim Brahimi.
Sous le thème « Medias, Pouvoir et Droits de l’Homme », la conférence du professeur Brahimi est surtout axée sur les relations qui existent entre le Quatrième pouvoir et la lutte pour la défense des droits de l’homme. « Une ligue des droits de l’homme s’intéresse au journalisme parce que les principales libertés, du droit à l’information, du droit à la communication sont étroitement liées à la situation des droits de l’homme », a souligné le professeur. Pour l’auteur du livre « Le pouvoir, la presse et les droits de l’Homme en Algérie », le principal acquis de la Loi 90 demeure l’article 14 qui est, est cependant, un peu remis en cause de nos jours, selon lui : « On a assisté à la création de plusieurs journaux et quotidiens et la chance de l’Algérie c’est que on a pas assisté à la création de journaux appartenant à des partis politiques », a-t-il précisé en regrettant qu’en Algérie le gouvernement continue de s’autoriser au moins six quotidiens nationaux qui défendent sa ligne politique et ses intérêts. « La presse partisane n’existe plus dans le monde. Chez nous, le fait qu’il existe 06 quotidiens gouvernementaux c’est ridicule, cela ne devrait plus exister chez nous».
L’autre handicap majeur de la liberté d’expression en Algérie, demeure, selon le professeur, l’enjeu économique et le pouvoir de l’argent : « Sur les 107 quotidiens, il n’y a qu’une quinzaine de journaux qui travaillent dans l’intérêt général. Il y a les forces de l’argent ou administratives qui dirigent les journaux et cela doit cesser. Tout pouvoir politique a tendance à manipuler certains journaux, l’essentiel est que les journaux qui travaillent dans l’intérêt général, qui défendent l’intérêt de la société puissent exister encore et surtout il faut que l’expérience acquise par les journaux privés réussissent à résister au pouvoir de l’argent »,a-t-il affirmé et d’ajouter : « Je n’ai rien contre des journaux dirigés par des magnats, des forces économiques mais il ne faudrait pas que les propriétaires s’immiscent dans le contenu des journaux. Je pense qu’il y a encore en Algérie des patrons qui sont pour la liberté de la presse », a-t-il précisé.
Sur la question de l’influence du régime actuel sur les libertés individuelles, notamment celle de la presse et de la défense des droits de l’homme, la position du conférencier est, on ne peut plus claire. L’attitude du pouvoir en place à sa tête le FLN qui continue de considérer le peuple algérien comme immature et se proclame son tuteur doit cesser, a-t-il défié. « J’ai toujours dit que les gens du FLN n’ont jamais accepté que le citoyen soit maitre de son destin, ils ont toujours pensé qu’il fallait un tuteur pour un peuple qu’ils ne considèrent pas mur».
Le droit à l’information s’impose encore une fois à l’avenir pour permettre aux journalistes et à la population d’avoir accès à l’information administrative et aussi, pour aller dans le sens de l’information de proximité pour le développement de la presse et le développement de la société, fait-il remarquer. Dans ce contexte le professeur estime que l’avènement de la presse électronique est un évènement qui est en train de changer les règles du jeu. Le professeur est très optimiste quant à l’venir de la presse électronique en Algérie qu’il qualifie de « véritable révolution »: « Je crois qu’il y a une véritable révolution qui s’opère. Presque 5 millions d’Algériens qui consultent ces sites, c’est formidable et cela veut dire que maintenant le pouvoir ne peut plus cacher l’information et tout abus d’autorité pourra être dénoncé par un simple citoyen », a-t-il déclaré en citant l’exemple des derniers événements qui ont secoué la Tunisie, la Libye, l’Egypte et la Syrie, des évènements qui selon lui ont eu de mauvais résultats, dans certains cas tout en changeant radicalement les donnes dans ces sociétés respectives. « Je crois que Raymond Aron avait raison en disant que la technologie finirait par jouer dans le sens de la démocratie », affirme le professeur. Pour lui, tous ces changements sur la Toile ne peuvent qu’entrainer, il n’y pas l’ombre d’un doute, un changement positif dans le paysage médiatique algérien et dans le domaine de la lutte pour la liberté de la presse et l’accès à l’information à travers l’émergence de la presse en ligne mais aussi des médias audiovisuels. « Ce que les gens du FLN finiront par comprendre est que l’on ne peut pas assurer une tutelle à une société qui est déjà mure. La seule solution pour nous, c’est que l’Etat aide la presse locale et régionale et les cultures locales pour se protéger contre l’hégémonie de la médiocrité », conclût le conférencier.
Farid Ikken