Il reçoit régulièrement des intimidations :
"Rien ne pourra me faire taire, la peur doit changer de camps"
Karim Akouche à Tamurt.info
"Allah aux pays des enfants perdus", avant déjà qu’il ne soit sur les étals des libraires, dérange. Il dérange les esprits obscurs qui sont allés jusqu’à proférer des menaces et des intimidation contre l’auteur qui, comme nous l’avions déjà rapporté dans ces mêmes colonnes reçoit des soutiens et des appuis de partout. A coeur ouvert, il parle à nos lecteurs de son oeuvre.
04/10/2012 - 15:03 mis a jour le 04/10/2012 - 14:53 par
Tamurt.info : après votre pièce théâtrale qui viendra fleurir ma tombe, vous éditez chez Dialogue Nord-Sud, l’œuvre "Allah aux pays des enfants perdus". Pouvez-vous nous en dire davantage ?
Karim Akouche : Allah au pays des enfants perdus est une diatribe littéraire, politiquement incorrecte, religieusement incorrecte, qui traite de l’Algérie d’aujourd’hui, cinquante ans après l’indépendance, laquelle est rongée par la gabegie, l’islamisme et la corruption. J’y dépeins une jeunesse perdue, désenchantée, désabusée. Les personnages cependant ne sont pas des êtres absurdes, à la manière d’un Meursault qui tuerait un homme à cause du soleil, ou d’un Giovanni Drogo, le célèbre personnage de Dino Buzzati, qui attendrait naïvement la gloire dont le priverait la mort. C’est le pays qui est absurde, c’est l’État algérien qui est kafkaïen, pas la jeunesse. Cette dernière est vivante, elle échafaude des projets et excelle dans l’ambition. Bref, "Allah au pays des enfants perdus" est le roman de l’absence de rêves, de l’échec d’un système, de la faillite d’un État.
Tamurt.info : dans votre ouvrage, vous évoquez le quotidien des jeunes montagnards, le chômage, la corruption et la menace islamiste, pourquoi aborder tant de sujets tabous dans notre société ?
Karim Akouche : ce roman est une fresque réaliste, tragicomique, écrite dans un style osé, sans fards ni fanfares, non conforme aux traditions folkloristes du romantisme réactionnaire. La littérature, comme disait Kafka, est un coup de hache dans la mer gelée qui est en nous. J’y ai fait sauter tabous, interdits et dogmatismes. L’écrivain ne doit pas être comme l’autruche qui s’enfouit le bec dans le sable pour éviter de voir le danger. L’écrivain, pour reprendre l’expression de Jean Cocteau, est celui qui se souvient de l’avenir ; autrement dit, celui qui perçoit le premier des dangers qui guettent les autres. Je dis ce que je pense, quitte à brusquer les « belles âmes ». Comme Rabelais, je suis hostile à tout achèvement définitif, à tout sérieux limité et à toute vérité révélée. J’ai le droit de rire des rois comme des bouffons, des sots comme des fanatiques. La vérité qui blesse est plus utile que celle qui amuse. La liberté d’expression doit être totale, sinon elle n’en est que la parodie. Je suis pour toutes les libertés d’expression, même les plus stupides.
Tamurt.info : Avez-vous reçu des intimidations à cause des sujets que votre roman aborde ?
Karim Akouche : j’en reçois depuis la diffusion du documentaire Mon Algérie et la vôtre sur la chaîne canadienne RDI, où j’ai qualifié « l’islamisme » de « fascisme vert ». Avec Allah au pays des enfants perdus, elles se sont accentuées. Que me reprochent ces fanatiques ? De dire la vérité ? De révéler leurs bouffonneries, leur folie, de dévoiler leurs sinistres projets ? Rien ni personne ne pourra me faire taire. La peur doit changer de camp.
Tamurt.info : le roman sera-t-il disponible prochainement aux lecteurs kabyles et Algériens ?
Karim Akouche : nous ferons notre possible pour qu’ils y aient accès.
Propos recueillis par Aziz Ait-Amirouche pour Tamurt.info.