L’abstention, principal enjeu des législatives algériennes - ALGÉRIE - FRANCE 24
Dernière modification : 09/05/2012
L’abstention, principal enjeu des législatives algériennes
Pour la première fois depuis le printemps arabe, les Algériens sont appelés aux urnes, ce jeudi, pour élire leurs députés. Un scrutin dont les principaux enjeux résident dans l’ampleur de l’abstention et le score des partis islamistes.
Par
Eve IRVINE /
Khalil BECHIR , envoyés spéciaux à Alger (vidéo)
Jean-Baptiste MAROT , envoyé spécial à Alger (texte)
"Peu importe pour qui, mais allez voter !" À la radio, à la télévision, dans les journaux ou même par texto, jusqu’à la dernière minute, les quelque 22 millions d’électeurs algériens auront été courtisés. Après avoir dramatisé l’enjeu en répétant que la future Assemblée populaire nationale (APN) se verrait soumettre une révision de la Constitution, le chef de l’Etat a tenté une ultime fois de mobiliser les électeurs, mardi, lors des commémorations des événements de Sétif, le 8 mai 1945. Dans une sortie plutôt inattendue, il s’est tout spécialement adressé aux jeunes pour les enjoindre à "prendre le témoin" que leur tendent les dirigeants de sa "génération", qui ont "fait [leur] temps".
Première consultation électorale organisée dans le pays depuis les manifestations qui s’y sont déroulées dans le sillage de la révolution tunisienne, les législatives de ce jeudi 10 mai représentent une échéance politique majeure pour les autorités. Après avoir multiplié les concessions pour ne pas connaître le même destin que ses homologues de Tunis, du Caire ou de Tripoli, le président algérien, Abdelaziz Bouteflika, entend en effet se servir du scrutin pour tester la portée des réformes qu’il a adoptées pour enrayer la contagion du printemps arabe : autorisation de créer de nouveaux partis, libération de la presse et féminisation de la vie politique, notamment. Et, accessoirement, assurer l'avenir de son clan, à deux ans de la prochaine échéance présidentielle...
Dans un pays où les électeurs ont tourné le dos à la vie politique depuis plus de deux décennies, la transformation de l’essai suppose toutefois qu’un taux de participation significatif soit au rendez-vous. En la matière d'ailleurs, le secrétaire général du Front de libération national (FLN, au pouvoir), le parti présidentiel, s’est fixé un objectif : atteindre le seuil de 45 % de votants, à partir duquel le scrutin sera considéré comme un succès.
Mais à l’heure où les électeurs sont appelés aux urnes, la grande majorité d’entre eux semble loin de répondre présent. Au point que nombre de politologues s’attendent à un taux d’abstention encore supérieur à celui de 2007, où il avait déjà atteint le chiffre de 64 %... Dans les rues d’Alger, le désintérêt pour les législatives est d’ailleurs patent. S’il s’affiche à la Une des journaux, les Algérois ne font pas non plus mystère de leurs intentions et semblent bien plus passionnés par l'élection présidentielle française qui vient de s'achever. Rue Ali Boumndjel, Faiçal, 26 ans, diplômé en gestion électronique, explique qu'il ne fera pas le détour par son bureau de vote. "Je n'attends rien de ce scrutin, assure-t-il en sirotant son thé dans un gobelet en plastique à l'ombre d'un arbre, cigarette aux lèvres. Certains diovent aller voter parce qu'il peuvent perdre leur boulot, mais moi, je suis au chômage...Parlons plutôt de François Hollande !", lance-t-il avant de confier qu'il souhaiterait s'exiler au Canada.
Face à un pouvoir qu’ils considèrent comme usé, corrompu et incapable de lutter contre le fléau du chômage qui touche plus de 20 % d'entre eux, beaucoup de jeunes comme lui ne voient pas ce qu'un bulletin de vote pourrait changer, en dépit de la promesse faite par les autorités d’organiser des élections transparentes.
Dans ce contexte, les partis islamistes algériens – au nombre de sept - entendent bien tirer leur épingle du jeu en surfant sur la vague créée par les victoires des partis frères au Maroc, en Tunisie et en Egypte. "Les électeurs islamistes participeront au vote. Au cours de la campagne électorale, ils étaient mobilisés. Nos adversaires, qui ont peiné à remplir les salles, vont pâtir de la défection de leurs électeurs", a ainsi affirmé à l’AFP Kamel Mida, le porte-parole du Mouvement de la société pour la paix (MSP), qui compose, avec deux autres formations religieuses, l’alliance L’Algérie verte. Selon lui, cette dernière remportera "au moins 120 sièges" dans la nouvelle assemblée.
Un pronostic auquel beaucoup, toutefois, ne souscrivent pas. "L’Algérie a vécu cette expérience en 1991 et l’Histoire ne se répétera pas", juge ainsi Abdelaziz Belkhadem. "L’ouverture politique a fait éclater le clan des islamistes [sept formations se réclamant de cette obédience sont en lice, NDLR]. Le passage à un système électoral à la proportionnelle intégrale rend par ailleurs peu probable qu’un parti remporte la majorité absolue. De ce fait, l’alliance entre le FLN et le RND [Rassemblement national démocratique, NDLR] devrait perdurer", décrypte pour sa part le politologue Rachid Grim, rencontré à Alger par France 24. "Enfin, il faut rappeler qu’en Algérie, l’islamisme a déjà été au pouvoir : le MSP, s’il a quitté l’alliance présidentielle en janvier dernier, a conservé ses quatre ministres au gouvernement ", conclut celui-ci.
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Quelque 22 millions d’Algériens sont appelés aux urnes, le 10 mai, pour renouveler l’Assemblée populaire nationale (APN) élue en 2007. (Crédit : J.B. Marot/FRANCE 24) |