CHARLIE HEBDO - Le nouveau numéro de l'hebdomadaire satirique Charlie Hebdo va faire parler de lui. L'exemplaire du mercredi 19 septembre fait sa une sur les violences liées au film anti-islam (Innocence of muslims) et publie de nouvelles caricatures du prophète Mahomet. Après l'affaire des caricatures en 2006, son numéro "Charia Hebdo" en 2011 et l'incendie de ses locaux, l'hebdomadaire récidive.
Dans la nuit de mardi à mercredi, les locaux parisiens du journal ont été placés sous protection policière. Et mercredi matin, le site Internet de Charlie Hebdo était inaccessible.
La une donne le ton. "Après Innocence of muslims (le film anti-islam qui a déclenché des manifestations à travers le monde ndlr.), Charlie annonce en une et avant première la sortie d'Intouchables 2", écrit la rédaction en présentant son nouveau numéro sur Twitter.
Après ce rabbin et cet imam dans une parodie du film Intouchables (choisi par la France pour les Oscars mardi), suit en page 2 un article intitulé "Mahomet fait du cinéma".
Pas de prophète en une donc. Les caricatures de Mahomet sont publiées en page intérieure (avec une référence au film Le Mépris) et en quatrième de couverture du numéro. On y voit en effet plusieurs dessins de Mahomet - "en position osée"décrit RTL - dans ce que l'hebdomadaire appelle "Les couvertures auxquelles vous avez échappé".
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Provocation gratuite ou exercice de la liberté d'expression ?
Selon Charb, le directeur de Charlie Hebdo interrogé par iTélé, ces dessins "choqueraient ceux qui vont vouloir être choqués en lisant un journal qu'il ne lisent jamais". Charb estime également que les dessins publiés en page intérieure et en dernières pages du journal ne sont pas plus provocants que d'habitude. "La liberté de la presse est-elle une provocation?", demande-t-il.
"Je n'appelle pas les musulmans rigoristes à lire Charlie Hebdo, comme je n'irais pas dans une mosquée pour écouter des discours qui contreviennent à ce que je crois", ajoute le dessinateur. "Tout est parti d'une inquiétude des services français qui craignaient dans le contexte que Charlie fasse sa couverture avec une caricature de Mahomet. Il n'est en rien: la couverture représente un musulman lambda avec un juif lambda", explique-t-il à l'AFP.
De son côté, Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères, interrogé alors qu'il se trouvait au Caire sur l'éventualité de dessins représentant Mahomet, s'est dit "contre toute provocation", tout en rappelant l'existence en France de la liberté d'expression.
Jean-Marc Ayrault a quant à lui affirmé, "dans le contexte actuel", sa "désapprobation face à tout excès" et appelé à "l'esprit de responsabilité de chacun". Mercredi matin sur RTL, il a souligné que ceux que heurtent les caricatures ont la possibilité de saisir les tribunaux, dans l'"Etat de droit" qu'est la France où est "garantie la liberté de caricature". "Nous sommes dans un pays où la liberté d'expression est garantie, la liberté de caricature aussi. (...) Si vraiment des personnes se sentent heurtées dans leurs convictions et pensent qu'il y a eu dépassement du droit - nous sommes dans un Etat de droit qui doit être totalement respecté -, elles peuvent saisir les tribunaux".
Brice Hortefeux s'est également exprimé sur le sujet. Invité de BFM, ce dernier a estimé qu'il s'agit d'une "provocation inutile". "Mais (...) je dois dire très simplement que je préfère les excès des caricatures aux excès des censures."
Le président du Conseil français du culte musulman, Mohammed Moussaoui, a appris avec "une profonde consternation" la publication "de dessins insultants à l'égard du prophète de l'islam". Dans un communiqué, le CFCM condamne "avec la plus grande vigueur ce nouvel acte islamophobe" et "lance un appel pressant aux musulmans de France à ne pas céder à la provocation".
Le recteur de la Grande Mosquée de Paris, Dalil Boubakeur, a lancé un "appel au calme". Interrogé par l'AFP, ce dernier a déclaré "apprendre avec beaucoup d'étonnement, de tristesse et d'inquiétude une publication qui risque d'exacerber l'indignation générale du monde musulman".
"J'appelle à ne pas verser de l'huile sur le feu", a-t-il lancé.
Les précédents Charlie Hebdo
Le feu, Charlie Hebdo connaît. En novembre 2011, les locaux parisiens du journal ont été incendiés après une attaque au cocktail molotov. Deux jours plus tôt, l'hebdomadaire annonçait un numéro baptisé "Charia Hebdo", avec "Mahomet en rédacteur en chef". Son site internet avait également été piraté.


En kiosque, le numéro "Charia Hebdo" avait rapidement été en rupture de stock.
Mais il ne s'agissait pas des premiers dessins profanes de Charlie Hebdo. Pour avoir reproduit les douze caricatures danoises ayant déclenché la colère des musulmans aux quatre coins du monde, le journal avait comparu devant le tribunal en février 2006. L'hebdomadaire avait été relaxé par la justice française, mais le dessin de Cabu représentant Mahomet la tête entre les mains et le message "c'est dur d'être aimé par des cons ", restent gravés dans les esprits.
» Le procès des caricatures a été filmé par Daniel Leconte:
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