Les conditions d'une nouvelle révolution en Algérie
Les conditions d’une nouvelle révolution Algérienne sont désormais réunies et il ne manque plus que les événements et les leaders qui doivent catalyser cette révolution. Les événements extérieurs et intérieurs sont imminents et les leaders ne manqueront pas d’apparaître le moment venu.
Quelles sont ces conditions objectives qui permettent une telle affirmation ?
La condition numéro un est la fracture béante entre d’un côté un pouvoir archaïque et fossilisé, sans aucune perspective, bâti sur un clientélisme douteux et épars, et d’un autre côté une population à majorité très jeune, bouillante de vie et de projets, ouverte sur le monde grâce à la télévision et aux nouvelles technologies et qui souffre terriblement de la paupérisation économique, sociale et culturelle. Cette fracture est devenue, sous Bouteflika, un gouffre béant que reconnaît d’ailleurs le président en disant "Tab Jnenna !".
La condition numéro deux est l’occasion historique ratée par le pouvoir de se réformer en douceur suite aux soulèvements populaires de 2011 en Algérie et dans les pays arabes. En mentant effrontément aux Algériens et en ne tenant pas ses promesses d’établissement de la démocratie, le pouvoir s’est définitivement aliéné la population qui est désormais totalement convaincue que le seul but de ce pouvoir est de se maintenir à tout prix et que seule une révolution violente peut le déraciner.
La troisième condition est constituée par les limites financières de l’Etat prébendier,distributeur d’argent, acheteur de la paix civile. Ces limites financières liées au rétrécissement inéluctable de la rente pétrolière sont exacerbées par le pillage de plus en plus effréné des ressources du pays par les barons et clients du régime qui tentent de se prémunir contre la chute, qu’ils savent proche, de ce régime. Les Algériens suivent d’ailleurs de près les affaires de corruption massive qui atteignent des sommets jamais atteints et qui malgré les tentatives du pouvoir de les cacher sont révélées et dénoncées à l’étranger.
La quatrième condition est le rétrécissement de la base de soutien du régime. Corollaire de la troisième condition puisqu’il n’y a plus assez d’argent pour arroser tout le monde, elle est renforcée par les désillusions des cadres supérieurs de l’administration et de l’armée, la défiance des milieux d’affaires et des industriels et les inquiétudes des responsables qui ont jusque-là privilégié la modération et les fragiles équilibres au nom de l’intérêt de la nation et qui ne veulent pas arriver au point de fracture qui remettrait en cause cet intérêt.
La cinquième condition est la fin du mythe du péril islamiste. En voulant manipuler l’opinion, le régime a lui-même mis à nu l’inanité du danger de prise du pouvoir par les intégristes dans le cas où le régime s’effondrait. Le fameux "ni ni" d'Aït Ahmed peut aujourd’hui être appliqué sur le terrain. Les situations libyenne, tunisienne et même égyptienne qui avaient alimenté les arguments du pouvoir pour clamer son "Nous ou le chaos !" sont en train d’évoluer vers une déroute de l’islamisme politique. La collaboration des Frères musulmans avec les sionistes et les intérêts US ont complètement disqualifié cette mouvance et sa prétention à diriger les révolutions populaires. L’épouvantail du terrorisme ne fait plus recette en Algérie et les groupes terroristes, en s’alliant aux narcotrafiquants et en menaçant le Sahel ont signé leur arrêt de mort. Le pouvoir ne peut plus les manipuler à sa guise sous les regards fronceurs des grandes puissances sans irriter celles-ci.
Avant le grand soir
La sixième condition est la fin du soutien inconditionnel des grandes puissances au régime parce que ce régime n’a plus grand-chose à leur donner qu’ils n’aient déjà obtenu. La récupération des Frères Musulmans en Egypte et leur intégration dans un axe sunnite avec la Turquie, l’Arabie Saoudite et même le Hamas contre l’Iran au service des intérêts Israéliens rend inutile l’utilisation de l’Algérie. Même la reconnaissance d’Israël ne pourrait pas infléchir la position des USA et de l’Europe vis-à-vis d’un régime qu’ils considèrent comme obsolète.
La septième et ultime condition est la lutte intestine au sein du pouvoir entre clans, familles et mafias caractéristique d’un "fin de règne" classique qui produit ses métastases jusqu’au niveau de la clientèle communale. Plus aucun responsable, ministre, wali ou député ne parie un kopeck sur ce régime et chacun s’active à amasser le maximum avant le grand soir. Et tous le disent en privé à leurs relations et même aux chancelleries étrangères. Le roi est mort et on ne pourra même plus crier "vive le roi" parce que tous sont convaincus que l’ére des monarques et des zaims est définitivement révolue.
Maintenant voyons quels sont les événements qui peuvent à tout moment déclencher la tempête de la Révolution.
Pour nous référer à la "Théorie du Chaos" popularisée par la notion d'"effet papillon", nous dirons que n’importe quel événement perturbateur peut déclencher cette révolution en devenant la goutte qui fait déborder le vase. L’immolation d’un jeune Tunisien n’a pas à elle toute seule provoqué la chute de Ben Ali mais elle est survenue à un moment et dans des conditions qui ont fait déborder le vase tunisien. Chez nous, les conditions sont réunies et attendent de coïncider avec un moment et un événement. Si on ne peut pas prédire avec exactitude ce moment qui est potentiellement très proche, nous pouvons lister les types d’événements candidats à cet effet papillon et ils sont nombreux.
Une catastrophe naturelle comme un séisme ou des inondations majeures dans une grande ville peut déclencher des émeutes comme peut le faire une défaite humiliante de l’équipe nationale en coupe d’Afrique ou du monde. Des dépassements des services de sécurité dans la répression d’une manifestation locale pour le logement peut facilement dégénérer sur des troubles au niveau d’une wilaya puis au niveau national. D’autres exemples peuvent être trouvés à foison mais ces types d’événements seront encore plus catalyseurs de révolution lorsqu’ils coïncideront avec des conditions plus objectives et indépendantes de la volonté des gouvernants.
Ces conditions sont surtout exogènes comme une chute brutale des prix des hydrocarbures qui obligeront l’Etat à réduire les importations alimentaires ou à augmenter les prix des produits de première nécessité. Il peut aussi y avoir des conditions politiques comme l’intervention de troupes algériennes au Mali avec des conséquences graves en nombre de morts algériens et d’attentats de représailles d'Aqmi en Algérie particulièrement dans le grand sud. Elles peuvent aussi concerner des réductions de visas ou d’augmentation d’expulsions d’Algériens d’une Europe en crise économique aiguë.
Mais n’oublions pas les stratégies des puissances qui peuvent nous créer volontairement des conditions d’explosion sociale. Une paralysie du réseau électrique ou du réseau de télécommunication, une pénurie aggravée d’essence ou de mazout, le naufrage d’un bateau de voyageurs ou une catastrophe aérienne peuvent facilement dégénérer en révolution finale.
Ces événements potentiels feront logiquement et certainement émerger des meneurs et des leaders qui n’auront rien à voir avec les leaders des partis croupions et des personnalités proches du pouvoir. Ceux qui essaieront de prendre le train en marche n’auront aucune chance même s’ils sont soutenus par l’Occident comme cela a été parfaitement illustré en Egypte. Ces meneurs et ces leaders et derrière eux le petit peuple et ce qui reste de la classe moyenne sauront reconnaître ceux qui seront appelés à prendre la relève de ce régime corrompu. Quelles seront ces personnalités saines dans lesquels le peuple se reconnaîtra ? Nous ne le savons pas mais nous parions que le pouvoir actuel le sait.
Et ce pouvoir qui essaye de les corrompre à son service ferait mieux de leur transférer dès maintenant et pacifiquement le pouvoir et d’éviter ainsi le sang et la souffrance aux Algériens et surtout en ce qui concerne ce pouvoir, d’éviter à ses membres et à leurs familles des fins violentes et honteuses.
Les images de Mouammar Kadhafi lynché à 70 ans et de Hosni Moubarak derrière des barreaux sur un brancard, malgré leur mainmise totale sur l’armée et la sécurité, doivent hanter nos dirigeants. Espérons que la peur ne paralyse point leur esprit logique et leur instinct de survie. Il n’est peut-être pas encore trop tard et l’effet papillon travaille aussi dans l’autre sens que les catastrophes et le chaos.
Ali Fodil Chérif, cadre à la retraite
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