AIT AHMED : violent démaquillage
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- Publié le Dimanche, 09 Décembre 2012 16:27
- Écrit par Rachid Bali
La semaine avait pourtant été riche en spectacle. Entre un FNA qui déclare avoir été volé de….312 listes par le MPA et un Amar Ghoul, au cœur d’un scandale financier qui aurait entraîné le plus coriace des maffieux, et qui se paie le luxe d’avoir un groupe parlementaire à l’assemblée alors même qu’il n’avait pas pris part aux législatives, l’Algérie se dévoilait dans toute sa déchéance et sa cupidité. Une fois de plus, l’Algérien s’installait dans les commentaires désabusés d’un pays folklorisé, quand, tel un ouragan, arrive Ait Ahmed qui, balayant ces petits bricoleurs, relégués au rang de faiseurs de faits divers, enflamme la toile et créé le buzz par son alliance avec le FLN et le RND. Il est vrai que l’affaire est grosse. Ce qui restait une dénonciation de contestataires du FFS ou une consternation de citoyens médusés devient officiellement alliance de gestion avec des partis gouvernementaux, scellés par un protocole d’accord !
Cette fois, et sans que l’on sache vraiment pourquoi, « le plus vieux parti de l’opposition » qui s’était permis toutes les contorsions politiques, tous les reniements, tous les amalgames, sans pour autant avoir été comptable de ses turpitudes scandalise et révolte une opinion jusque-là anesthésiée par le bagou du gourou, la sacralisation de tout ce qui se rapportait à la guerre et le souci de ne pas prêter le flanc aux polémiques pouvant fragiliser encore plus le camp démocratique où on ne désespérait pas de faire un jour réintégrer le pensionnaire de Lausanne.
Qu’est ce qui fait que l’homme à qui furent pardonnés tous les égarements, toutes les fuites et toutes les insultes soit d’un coup d’un seul pris comme la cible sur laquelle, les jeunes et les moins jeunes déversent depuis quatre jours des torrents de colère, de dépit et de mépris avec une violence qui n’a d’égal que l’aveuglement qui avait tant de fois édulcoré ou occulté ses outrages, contrat de Rome y compris ?
Pourquoi la surprise est, cette fois, à ce point si brutale qu’elle en paraît presque douloureuse ?
Pourtant tous ceux qui ont approché, connu ou suivi Ait Ahmed savent que le vernis de la culture et de la rigueur cache un personnage complexe, ambigu, fuyant, secret, individualiste et qui ne peut, à l’automne de sa vie, revendiquer aucune amitié.
Depuis le début de son engagement, Ait Ahmed a construit sa carrière sur un conditionnement obsessionnel de l’opinion publique. Et cela a payé jusqu’à ce jeudi 6 décembre quand, tel un vieil édifice, ébranlé par mille et une micro-secousses, le totem s’effondre.
La légende remonte à loin.
En 1949, Ait Ahmed refuse de se joindre au groupe de ceux que l’on appellera les berbèro-matérialistes et qui regroupait l’essentiel des cadres kabyles du PPA-MTLD, scolarisés au lycée de Ben-Aknoun. En rupture éthique et psychologique avec Messali, les jeunes structuraient déjà le projet d’une Algérie plurielle et démocratique qui inspirera quelques années plus tard la plate-forme de la Soummam. A l’époque déjà, l’immense Benai Ouali, qui a formé et organisé des générations de militants, recommandait de ne jamais associer Ait Ahmed à leurs réunions : « même s’il ne nous rejoint pas, Omar Oussedik ne nous trahira pas ; par contre, il faut se méfier d’Ait Ahmed », conseillait celui qui manageait l’aile progressiste de la pépinière du mouvement national.
Messali, pour qui le groupe de Ben Aknoun représentait la pire des menaces, jeta son dévolu sur Ait Ahmed. D’origine maraboutique, il comptait sur cette filiation pour contrer le « virus matérialiste berbère ». Après la mort de Souidani Boudjema, Ait Ahmed fut désigné à la tête de l’Organisation spéciale (OS). Pendant longtemps, son soudain remplacement par Ben Bella à la tête de cette structure fut interprété comme une sanction contre les berbéristes et, aujourd’hui encore, Ait Ahmed laisse courir la légende. Ali Yahia Abdenour donne de cette destitution une explication plus nuancée :
« Messali et Lahouel faisaient de la politique. Ils comptaient sur Ait Ahmed pour réduire l’influence du groupe de Ben Aknoun en Kabylie notamment qui était, de loin, la première région pourvoyeuse en militants et en financements du PPA-MTLD. L’aura de l’étincelant Ali Laiméche, le rayonnement du géant Amar Ould Hamouda ou l’envergure du vertueux Benai firent que l’opération a tourné court. Avec la crise de 1949, la décision de remplacer Ait Ahmed par Ben Bella fut prise sans était d’âme pour manque de résultat.
Après l’indépendance, la propension d’Ait Ahmed à accommoder la réalité politique et historique à la promotion du rôle messianique qu’il s’était attribué ne se démentira pas. Pour assurer sa tutelle sur l’histoire, il s’adonna à un jeu de massacre aussi méthodique que cynique.
Abane fut souvent qualifié d’homme abrupt et peu scrupuleux, Krim fut décrit comme un être sommaire, Bessaoud Mohand Arab, un aigri instable et sans profondeur, Ali Yahia, dont tous les frères étaient engagés dans la résistance, vit sa famille rabaissée au rang de fétu de paille entrainée contre son gré par le fleuve révolutionnaire*…
Plus tard, les anathèmes hérités du PPA-MTLD, si chers à Messali, seront systématisés par celui qui avait décidé de s’introniser héritier de la couronne de Kabylie. Yaha Abdelhafid, le fidèle parmi les fidèles, fut dénoncé comme un officier de la sécurité militaire quand il préconisa la rentrée du FFS en Algérie pour continuer la lutte sur le terrain après que Chadli eut levé les condamnations sur les opposants. Said Sadi qui eut le malheur d’appuyer cette demande n’eut pas meilleur sort…
Parallèlement à la destruction systématique de tout ce qui devait, d’une manière ou d’une autre, perturber l’exploitation de l’inépuisable gisement de la guerre et son exil doré, Ait Ahmed menait une campagne d’autopromotion en profondeur. Au début des années 1980, il publie un long texte d’analyses et de prospectives donnant les éléments qui devaient mener à l’insurrection du premier novembre. Selon lui, son document avait été présenté au congrès du PPA-MTLD tenu à Zeddine (Chlef ) en 1947 et servit de base aux débats. L’historien Mohamed Harbi, l’intégra dans son recueil « les archives de la révolution algérienne », confortant l’image d’un Ait Ahmed visionnaire. Ben Youcef Ben Khedda qui fut un des organisateurs du congrès en fut estomaqué. Jamais Ait Ahmed n’avait présenté ce texte ni aucun autre d’ailleurs. Il alerta publiquement les Algériens de l’imposture. Harbi dut avouer que « sa vigilance avait été prise en défaut ».
Sans se soucier de ce que ses attaques allaient engendrer comme désordres sur la société kabyle et le courant démocratique algérien en général, Ait Ahmed s’employa avec un acharnement maladif à diffamer, dénigrer et disqualifier tout le monde, surtout quand il sentait que son statut d’exilé volontaire était mis en cause. Les services spéciaux algériens seront les plus grands bénéficiaires de cette paranoïa où tout le monde accusant tout le monde, il était impossible de distinguer le vrai du faux et le mythomane du militant.
Cette intoxication morale, entretiendra une confusion où s’engouffreront bien des opportunistes, trop heureux de trouver un témoignage qui voile leur compromission et qui, dans certaines situations, leur permet même de se poser en sauveurs ou martyrs d’une démocratie ou des droits de l’homme qu’ils ont férocement combattus ; qui dans la presse, qui dans l’administration du parti unique. Abusant de la censure et d’une aura qu’il a patiemment construite, Ait Ahmed, en initiant ou en facilitant par ses cautions les falsifications, provoquera un deuxième 19 mars qui a longtemps brouillé les repères historiques et les éclairages politiques que la génération de 1980 avait eu tant de peine à concevoir et valoriser. Abdelhamid Mehri sera transformé en recours, Mouloud Hamrouche bénéficiera d’une virginité politique que lui envieraient tous les opposants et des journalistes qui ont incendié les militants démocrates à l’époque du parti unique sont promus chevaliers du renouveau. Le FFS deviendra la machine à laver du système. La pollution qui pourrit la scène politique algérienne aujourd’hui doit beaucoup à Ait Ahmed.
Selon tous les témoins qui l’ont suivi de près, Ait Ahmed a toujours eu un train de vie somptuaire. Et plus il amassait de l’argent plus il en manquait. Héritier avec Khider et Boudiaf d’une partie du trésor du FLN, destinataire d’un salaire de ministre du gouvernement algérien depuis 1962, récipiendaire de plus de cinq millions de francs de la part de Ben Bella lors de leur alliance de Londres en 1986, détenteur de toutes les subventions des partis socialistes, il ira jusqu’à se commettre dans la scabreuse affaire de la villa incessible dont il a illégalement transféré à l’étranger le prix de vente pour le plus grand plaisir des services de renseignements qui ont laissé l’indélicatesse s’accomplir pour mieux ferrer leur gibier. Depuis, les compromissions masquées par une surenchère verbale sont de plus en plus assumées.
En janvier 2011, quand le voisinage algérien s’embrasa et que le régime vacilla sous la pression conjuguée de la rue et de Washington, Paris, Londres, Berlin et Bruxelles qui exigeaient de laisser les Algériens manifester librement dans leur pays, Ait Ahmed fut sommé d’infiltrer la Coordination nationale pour le changement et la démocratie (CNCD) en vue de la saborder. Il s’exécuta sans rechigner.
Plus récemment et pour éviter de retomber dans le piège de la rentrée clandestine du chef éventée de mai 2011, la direction du FFS rend publiques ses réunions avec le premier ministre et le ministre de l’intérieur tenues…trois jours avant les élections locales. Cette fois, la raison de cette familiarité avec le pouvoir est justifiée par la nécessité de « demander un scrutin transparent » ! Au même moment, à Alger tous les candidats, à l’exception de ceux du FFS, organisaient un sit-in pour protester contre le détournement du fichier par le maire sortant qui préparait pour sa succession un repris de justice, tête de liste du MPA, histoire de s’assurer que la gestion du mandat passé, spécialement scandaleuse à Alger, ne ferait l’objet d’aucune évaluation publique. Ait Ahmed, tout occupé à assouvir son inextinguible haine contre le RCD, n’a cure des détournements des biens publics commis par le RND dont il fera quelques jours plus tard son allié.
Ces quelques rappels meublent toutes les discussions des anciens militants. Ils ont tu et pour certains couvert les méfaits d’Ait Ahmed car, expliquaient-ils, les autres clans ont témoigné d’une solidarité maffieuse avec les leurs. Oui, sauf que les autres chefs de clan n’ont pas travaillé à désintégrer leur communauté d’origine. Et, plus grave, ils n’ont pas poussé la supercherie jusqu’à se faire entretenir par le pouvoir tout en jouant aux plus radicaux des opposants, détournant l’histoire et hypothéquant l’espoir.
Libérés depuis la forfaiture du 6 décembre, les anciens ont la responsabilité de dire et d‘écrire ce qu’ils savent sur l’une des plus sombres et plus dommageables escroqueries politiques du mouvement national. Abdenour Ali Yahia est peut-être celui qui a le mieux décrit Ait Ahmed : « son modèle c’est Messali, le courage physique en moins. »
Depuis le 6 décembre, des centaines d’internautes se félicitent de ce que l’imposteur, qui a perdu son maquillage, soit enfin démasqué. A quel prix ?
Cette fois, et sans que l’on sache vraiment pourquoi, « le plus vieux parti de l’opposition » qui s’était permis toutes les contorsions politiques, tous les reniements, tous les amalgames, sans pour autant avoir été comptable de ses turpitudes scandalise et révolte une opinion jusque-là anesthésiée par le bagou du gourou, la sacralisation de tout ce qui se rapportait à la guerre et le souci de ne pas prêter le flanc aux polémiques pouvant fragiliser encore plus le camp démocratique où on ne désespérait pas de faire un jour réintégrer le pensionnaire de Lausanne.
Qu’est ce qui fait que l’homme à qui furent pardonnés tous les égarements, toutes les fuites et toutes les insultes soit d’un coup d’un seul pris comme la cible sur laquelle, les jeunes et les moins jeunes déversent depuis quatre jours des torrents de colère, de dépit et de mépris avec une violence qui n’a d’égal que l’aveuglement qui avait tant de fois édulcoré ou occulté ses outrages, contrat de Rome y compris ?
Pourquoi la surprise est, cette fois, à ce point si brutale qu’elle en paraît presque douloureuse ?
Pourtant tous ceux qui ont approché, connu ou suivi Ait Ahmed savent que le vernis de la culture et de la rigueur cache un personnage complexe, ambigu, fuyant, secret, individualiste et qui ne peut, à l’automne de sa vie, revendiquer aucune amitié.
Depuis le début de son engagement, Ait Ahmed a construit sa carrière sur un conditionnement obsessionnel de l’opinion publique. Et cela a payé jusqu’à ce jeudi 6 décembre quand, tel un vieil édifice, ébranlé par mille et une micro-secousses, le totem s’effondre.
La légende remonte à loin.
En 1949, Ait Ahmed refuse de se joindre au groupe de ceux que l’on appellera les berbèro-matérialistes et qui regroupait l’essentiel des cadres kabyles du PPA-MTLD, scolarisés au lycée de Ben-Aknoun. En rupture éthique et psychologique avec Messali, les jeunes structuraient déjà le projet d’une Algérie plurielle et démocratique qui inspirera quelques années plus tard la plate-forme de la Soummam. A l’époque déjà, l’immense Benai Ouali, qui a formé et organisé des générations de militants, recommandait de ne jamais associer Ait Ahmed à leurs réunions : « même s’il ne nous rejoint pas, Omar Oussedik ne nous trahira pas ; par contre, il faut se méfier d’Ait Ahmed », conseillait celui qui manageait l’aile progressiste de la pépinière du mouvement national.
Messali, pour qui le groupe de Ben Aknoun représentait la pire des menaces, jeta son dévolu sur Ait Ahmed. D’origine maraboutique, il comptait sur cette filiation pour contrer le « virus matérialiste berbère ». Après la mort de Souidani Boudjema, Ait Ahmed fut désigné à la tête de l’Organisation spéciale (OS). Pendant longtemps, son soudain remplacement par Ben Bella à la tête de cette structure fut interprété comme une sanction contre les berbéristes et, aujourd’hui encore, Ait Ahmed laisse courir la légende. Ali Yahia Abdenour donne de cette destitution une explication plus nuancée :
« Messali et Lahouel faisaient de la politique. Ils comptaient sur Ait Ahmed pour réduire l’influence du groupe de Ben Aknoun en Kabylie notamment qui était, de loin, la première région pourvoyeuse en militants et en financements du PPA-MTLD. L’aura de l’étincelant Ali Laiméche, le rayonnement du géant Amar Ould Hamouda ou l’envergure du vertueux Benai firent que l’opération a tourné court. Avec la crise de 1949, la décision de remplacer Ait Ahmed par Ben Bella fut prise sans était d’âme pour manque de résultat.
Après l’indépendance, la propension d’Ait Ahmed à accommoder la réalité politique et historique à la promotion du rôle messianique qu’il s’était attribué ne se démentira pas. Pour assurer sa tutelle sur l’histoire, il s’adonna à un jeu de massacre aussi méthodique que cynique.
Abane fut souvent qualifié d’homme abrupt et peu scrupuleux, Krim fut décrit comme un être sommaire, Bessaoud Mohand Arab, un aigri instable et sans profondeur, Ali Yahia, dont tous les frères étaient engagés dans la résistance, vit sa famille rabaissée au rang de fétu de paille entrainée contre son gré par le fleuve révolutionnaire*…
Plus tard, les anathèmes hérités du PPA-MTLD, si chers à Messali, seront systématisés par celui qui avait décidé de s’introniser héritier de la couronne de Kabylie. Yaha Abdelhafid, le fidèle parmi les fidèles, fut dénoncé comme un officier de la sécurité militaire quand il préconisa la rentrée du FFS en Algérie pour continuer la lutte sur le terrain après que Chadli eut levé les condamnations sur les opposants. Said Sadi qui eut le malheur d’appuyer cette demande n’eut pas meilleur sort…
Parallèlement à la destruction systématique de tout ce qui devait, d’une manière ou d’une autre, perturber l’exploitation de l’inépuisable gisement de la guerre et son exil doré, Ait Ahmed menait une campagne d’autopromotion en profondeur. Au début des années 1980, il publie un long texte d’analyses et de prospectives donnant les éléments qui devaient mener à l’insurrection du premier novembre. Selon lui, son document avait été présenté au congrès du PPA-MTLD tenu à Zeddine (Chlef ) en 1947 et servit de base aux débats. L’historien Mohamed Harbi, l’intégra dans son recueil « les archives de la révolution algérienne », confortant l’image d’un Ait Ahmed visionnaire. Ben Youcef Ben Khedda qui fut un des organisateurs du congrès en fut estomaqué. Jamais Ait Ahmed n’avait présenté ce texte ni aucun autre d’ailleurs. Il alerta publiquement les Algériens de l’imposture. Harbi dut avouer que « sa vigilance avait été prise en défaut ».
Sans se soucier de ce que ses attaques allaient engendrer comme désordres sur la société kabyle et le courant démocratique algérien en général, Ait Ahmed s’employa avec un acharnement maladif à diffamer, dénigrer et disqualifier tout le monde, surtout quand il sentait que son statut d’exilé volontaire était mis en cause. Les services spéciaux algériens seront les plus grands bénéficiaires de cette paranoïa où tout le monde accusant tout le monde, il était impossible de distinguer le vrai du faux et le mythomane du militant.
Cette intoxication morale, entretiendra une confusion où s’engouffreront bien des opportunistes, trop heureux de trouver un témoignage qui voile leur compromission et qui, dans certaines situations, leur permet même de se poser en sauveurs ou martyrs d’une démocratie ou des droits de l’homme qu’ils ont férocement combattus ; qui dans la presse, qui dans l’administration du parti unique. Abusant de la censure et d’une aura qu’il a patiemment construite, Ait Ahmed, en initiant ou en facilitant par ses cautions les falsifications, provoquera un deuxième 19 mars qui a longtemps brouillé les repères historiques et les éclairages politiques que la génération de 1980 avait eu tant de peine à concevoir et valoriser. Abdelhamid Mehri sera transformé en recours, Mouloud Hamrouche bénéficiera d’une virginité politique que lui envieraient tous les opposants et des journalistes qui ont incendié les militants démocrates à l’époque du parti unique sont promus chevaliers du renouveau. Le FFS deviendra la machine à laver du système. La pollution qui pourrit la scène politique algérienne aujourd’hui doit beaucoup à Ait Ahmed.
Selon tous les témoins qui l’ont suivi de près, Ait Ahmed a toujours eu un train de vie somptuaire. Et plus il amassait de l’argent plus il en manquait. Héritier avec Khider et Boudiaf d’une partie du trésor du FLN, destinataire d’un salaire de ministre du gouvernement algérien depuis 1962, récipiendaire de plus de cinq millions de francs de la part de Ben Bella lors de leur alliance de Londres en 1986, détenteur de toutes les subventions des partis socialistes, il ira jusqu’à se commettre dans la scabreuse affaire de la villa incessible dont il a illégalement transféré à l’étranger le prix de vente pour le plus grand plaisir des services de renseignements qui ont laissé l’indélicatesse s’accomplir pour mieux ferrer leur gibier. Depuis, les compromissions masquées par une surenchère verbale sont de plus en plus assumées.
En janvier 2011, quand le voisinage algérien s’embrasa et que le régime vacilla sous la pression conjuguée de la rue et de Washington, Paris, Londres, Berlin et Bruxelles qui exigeaient de laisser les Algériens manifester librement dans leur pays, Ait Ahmed fut sommé d’infiltrer la Coordination nationale pour le changement et la démocratie (CNCD) en vue de la saborder. Il s’exécuta sans rechigner.
Plus récemment et pour éviter de retomber dans le piège de la rentrée clandestine du chef éventée de mai 2011, la direction du FFS rend publiques ses réunions avec le premier ministre et le ministre de l’intérieur tenues…trois jours avant les élections locales. Cette fois, la raison de cette familiarité avec le pouvoir est justifiée par la nécessité de « demander un scrutin transparent » ! Au même moment, à Alger tous les candidats, à l’exception de ceux du FFS, organisaient un sit-in pour protester contre le détournement du fichier par le maire sortant qui préparait pour sa succession un repris de justice, tête de liste du MPA, histoire de s’assurer que la gestion du mandat passé, spécialement scandaleuse à Alger, ne ferait l’objet d’aucune évaluation publique. Ait Ahmed, tout occupé à assouvir son inextinguible haine contre le RCD, n’a cure des détournements des biens publics commis par le RND dont il fera quelques jours plus tard son allié.
Ces quelques rappels meublent toutes les discussions des anciens militants. Ils ont tu et pour certains couvert les méfaits d’Ait Ahmed car, expliquaient-ils, les autres clans ont témoigné d’une solidarité maffieuse avec les leurs. Oui, sauf que les autres chefs de clan n’ont pas travaillé à désintégrer leur communauté d’origine. Et, plus grave, ils n’ont pas poussé la supercherie jusqu’à se faire entretenir par le pouvoir tout en jouant aux plus radicaux des opposants, détournant l’histoire et hypothéquant l’espoir.
Libérés depuis la forfaiture du 6 décembre, les anciens ont la responsabilité de dire et d‘écrire ce qu’ils savent sur l’une des plus sombres et plus dommageables escroqueries politiques du mouvement national. Abdenour Ali Yahia est peut-être celui qui a le mieux décrit Ait Ahmed : « son modèle c’est Messali, le courage physique en moins. »
Depuis le 6 décembre, des centaines d’internautes se félicitent de ce que l’imposteur, qui a perdu son maquillage, soit enfin démasqué. A quel prix ?
Rachid Bali
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