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samedi 10 novembre 2012

L'écrivain algérien Karim Akouche : le problème algérien est avant tout identitaire - AgoraVox le média citoyen

 

L’écrivain algérien Karim Akouche : le problème algérien est avant tout identitaire

Après sa pièce « Qui viendra fleurir ma tombe », qui a connu un grand succès à Montréal, Karim Akouche nous invite dans son nouveau roman « Allah au pays des enfants perdus » à partager le chaos vécu par les jeunes Algériens d’aujourd’hui. Dans cet entretien, il nous parle de son Algérie et ses démons.
« Le savoir n’a plus cours. La bureaucratie est érigée en éthique et la corruption en morale politique… Tout me dégoute ici ! » Se plaint Zar (p.90). Cinquante ans après l’indépendance, sommes-nous en Absurdistan comme dit son ami Ahwawi ?
L’Absurdistan est une appellation ironique qui décrit l’Algérie d’aujourd’hui, ce pays où la réalité supplante la fiction, où se côtoient bureaucratie et islamisme, où le fanatisme dispute la première place à l’absurde. Aller dans une mairie pour demander un acte de naissance est un parcours du combattant. Quand le droit le plus élémentaire est bafoué, quand il est considéré de surcroît comme un service rendu par l’État, cela s’appelle la bureaucratie. Les signes de corruption sont visibles partout en Algérie. Au port d’Alger, par exemple, les douaniers rackettent les passagers au vu et au su de tout le monde. Une anecdote qui frise le ridicule : il y a quelques années tout Alger puait. L’origine de la puanteur : deux bateaux chargés de pommes de terre pourries. Pourquoi ? Un général les a fait bloquer pendant plusieurs semaines, parce qu’un industriel, un concurrent, a eu le tort d’importer la même marchandise à la même période. Si Kafka revenait au monde, l’Algérie serait son sujet de prédilection. Bref, l’Algérie, c’est l’Absurdistan par excellence, autrement dit, c’est Le Château et Le Procès réunis, multipliés par mille.
« Un peuple qui ne se bat pas pour sa dignité est mûr pour l’esclavage  ». Pouvez-vous approfondir cette belle phrase mise dans la bouche de l’artiste Ahwawi. (p78) Se battre contre quoi, contre qui ?
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La dignité, c’est l’honneur ; et la première des dignités, c’est la liberté. Si on ne se bat pas pour elle, on la perd et on devient un être assujetti, un esclave. Les démocrates algériens sont paralysés par la polarisation idéologique où les ont piégés les décideurs depuis la soi-disant ouverture démocratique de 89. Crédules, chacun a choisi son camp, les uns ont soutenu les islamistes, les autres les militaires, alors qu’ils devaient constituer un front pour se battre contre l’hydre à deux têtes, la chéchia et le képi, qui a étouffé – et étouffe toujours – l’Algérie. On ne peut pas dissocier l’islamisme du banditisme d’État, donc du pouvoir maffieux. Ce dernier se sert de l’islam, comme d’une redoutable morphine, pour prolonger la léthargie du peuple. Ceux qui pensent que l’islamisme peut être doux, qu’il est soluble dans la démocratie, se trompent d’analyse. L’islamisme n’est pas une maladie bénigne, mais un véritable cancer qui ronge nos sociétés. L’islamisme, c’est le péril vert, il vise à dominer, à avilir l’être humain.
« À Ath Wadhou, l’espoir est inscrit aux abonnés absents. Les jeunes coutumiers des lendemains qui fuient ne savent plus où aller. » (p.15) Où va l’Algérie ?
L’Algérie sombre, hélas, dans la décrépitude. À l’horizon, ça n’augure rien de bon. Le pays est sinistré, l’économie sclérosée et à l’école, au lieu d’enseigner aux élèves le savoir, on les assomme à coups de versets. Hormis quelques initiatives louables de la jeunesse, rien ne bouge. L’Algérie vit exclusivement de la manne pétrolière. On ne crée presque aucune richesse et on importe de l’étranger les produits de première nécessité, comme le lait, le blé et la pomme de terre. Comble de l’absurde, pour satisfaire les caprices d’un chef d’État défaillant et agonisant, on bâtit la deuxième plus grande mosquée du monde après celle de la Mecque. Plus de deux milliards de dollars seront gaspillés pour ériger un minaret de 270 mètres de haut, une fusée qui ne décollera jamais, comme disait Kateb Yacine, et une salle qui accueillerait 120 000 fidèles. Des chiffres qui donnent le tournis. C’est hallucinant ! Bouteflika croit qu’il va entrer dans la postérité avec une telle réalisation. Quelle aberration ! L’Histoire saura reconnaître les grands hommes, pas les nains.
Et l’identité ?
Le problème algérien est avant tout identitaire. Il y a une identité meurtrière, l’officielle, et des identités meurtries. Le rapport de force entre elles est disproportionné. La première a l’État, les moyens institutionnels, financiers et logistiques, et les autres sont reléguées au rang de figurantes, de folklore. Le génocide au Rwanda vient de la négation de la réalité identitaire rwandaise par les Occidentaux, qui ont essayé de niveler les peuples et les cultures de ce pays, ignorant que la démocratie en Afrique n’a pas la même acception que chez eux. Au Rwanda, c’est le slogan artificiel et creux « un seul peuple, un seul vote, une seule identité » qui a conduit au massacre de plus de 800 000 personnes. Les Hutus et les Tutsis sont deux peuples distincts, avec deux philosophies, deux modes de vie, diamétralement opposées. La politique de l’autruche qu’appliquent les décideurs algériens depuis l’indépendance à l’égard des Amazighs, les Berbères, notamment les Kabyles, est suicidaire. Un conflit des identités, s’il n’est pas réglé avec raison, risque de se métamorphoser en conflit des civilisations. Si l’on veut sauver la maison « Algérie », il y a urgence d’éteindre le feu identitaire.
Karim Akouche, Allah au pays des enfants perdus, éd. Dialogue Nord-Sud, Montréal, 2012.

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