La co-officialité de l’amazigh demeure un droit historique inaliénable (2èrme partie et fin)
Le choix d’une graphie pour une langue n’étant pas neutre, les caractères Tifinagh constituent une garantie d’authenticité et une spécificité amazighe. L’amazigh doit s’écrire avec son propre système d’écriture, c’est-à-dire en Tifinah. Pourquoi aller chercher ailleurs ce que nous avons chez nous ?
14/11/2012 - 17:01 mis a jour le 14/11/2012 - 16:27 par
Aujourd’hui, il est admis que l’écriture Tifinnegh* constitue une référence et un symbole identitaires. Le choix d’une graphie pour une langue n’étant pas neutre, les caractères Tifinagh constituent une garantie d’authenticité et une spécificité amazighe. L’amazigh doit s’écrire avec son propre système d’écriture, c’est-à-dire en Tifinah. Pourquoi aller chercher ailleurs ce que nous avons chez nous ? Je dirai comme Mouloud Mammeri grand visionnaire que l’adoption des caractères Tifinnegh résulte du simple bon sens. Dda lmouloud écrivait dans la préface du livre de Hamouna « grammaire berbère » (Octobre 1987). « Nous avons utilisé les caractères latins pour des raisons pratiques mais demain le berbère doit s’écrire en berbère, c’est-à-dire, en Tifinagh aménagé, c’est le simple bon sens ».
Fidèle à cette grande figure de l’Amazighitude et défenseurs du Tifinagh, les membres de l’association Afus Deg Wfus ont fait un pas dans ce sens en réalisant en 1993 le premier standard des polices de caractères en TIFINAGH issu de l’aménagement de l’Académie Berbère avec l’adaptation de deux les lettres et l’introduction du W. Il y’a deux ans, en passant par la librairie de l’aéroport d’Alger, j’ai trouvé le coran en amazigh écrit en Tifinagh (Standard Afus Deg Wfus) d’où ma fierté. Cette traduction en amazigh a été faite par Remdhan Ath Mensour, un génie de la littérature amazighe.
Aujourd’hui ,c’est ce standard avec quelques adaptations réalisées par l’IRCAM (Institut Royal de la Culture Amazighe) qui est utilisé officiellement dans les écoles pour l’enseignement de la langue amazighe au Maroc. A cet effet, je me félicite et me réjouis du choix judicieux de l’alphabet Tifinnegh qui a été fait par le Maroc pour l’enseignement de la langue amazighe. Une pensée à Mas Mahdjoubi Ahardan ce grand militant de l’amazighitude qui a eu l’intelligence de conseiller aux premiers membres de l’Académie Berbère l’utilisation de l’alphabet Tifinnegh et qui a publié dans l’hebdomadaire Marocain Tidmi n°38 en 1995 mon premier plaidoyer pour la généralisation de l’alphabet Tifinnegh.
C’est avec une grande fierté que j’adresse mes chaleureuses félicitations à tous les membres de l’IRCAM qui font un travail remarquable par une production scientifique, didactique et pédagogique et qui ont permis au Tifinnegh, deuxième alphabet avec l’amharique en Afrique d’intégrer l’Unicode. J’adresse mes ferventes salutations, fraternelles et militantes aux deux recteurs de l’IRCAM Mas Mohamed Chafiq et à Mas Ahmed Boukous. Ils ont fait le choix du cœur et celui du bon sens en optant pour l’alphabet Tifinagh que nous ont légué nos ancêtres.
Bien qu’une grande partie des militants ait disparu, l’espoir est permis pour le mouvement culturel amazigh de faire aboutir ses revendications. L’Académie berbère avait été durant une dizaine d’années le foyer de toute une génération de militants amazighs mobilisés pour la défense et la réhabilitation de la langue et de l’identité amazighes dans les pays de l’Amazighie. Le premier travail de vulgarisation de l’histoire, de sensibilisation et de conscientisation des populations par la diffusion de l’alphabet Tifinnegh a été principalement l’œuvre de cette Académie « Agraw Imazighen » de Paris, de l’Académie Berbère de Roubaix fondée par moi-même en 1971 ainsi que de l’Union du Peuple Amazigh (UPA) fondée en 1974 par le grand militant, regretté et ami Amar Neggadi. Aujourd’hui, nous pouvons dire que cette Académie avec les autres organisations ont rempli leur mission avec succès. C’était le pot de terre contre le pot de fer. Face aux menaces et aux pressions incessantes, les premiers militants ont accompli avec courage et dignité la tâche de sensibilisation et de réhabilitation de l’identité, de la langue amazighes et de l’alphabet Tifinagh. Ce travail militant a engendré le printemps berbère de 1980 qui demeure l’un des événements majeurs de l’Algérie indépendante.
Grâce à ce travail désintéressé de sensibilisation et de conscientisation, les Amazighs se sont forgés aujourd’hui une mémoire et une identité commune qui s’étend de l’Egypte aux Iles Canaries, du nord de l’Algérie au sud du Niger. L’espoir est permis. Création du HCA (Haut Commissariat à l’Amazighité) en 1994 en Algérie et de l’IRCAM en 2002 au Maroc. Suite aux grandes manifestations de Rabat, Marrakech et Agadir le 20 février dernier, le jeune roi Mohamed VI vient de déclarer le changement de la Constitution avec la prise en charge officielle de l’amazighité. La relève est assurée. Dans tous les pays d’Amazighie, des étudiants, des jeunes et moins jeunes continuent le combat sous des formes variées avec de nouvelles stratégies. Des mouvements naissent un peu partout. De multitudes associations se sont crées à l’intérieur du pays, en Europe, en Amérique, et un peu partout dans le monde. Toutes les instances internationales sont investies par de nombreux militants amazighs organisés en ONG et internationalisent le combat identitaire. Je laisse la parole au guide et au sage feu Mouloud Mammeri : « Quels que soient les obstacles que l’histoire lui apportera, c’est dans le sens de sa libération que mon peuple, et à travers lui les autres, ira. L’ignorance, les préjugés, l’inculture peuvent un instant entraver ce libre mouvement mais il est sûr que le jour inévitablement viendra où l’on distinguera la vérité de ses faux-semblants. Tout le reste est littérature ».
Je profite pour avoir une pensée et rendre hommage à tous les compagnons du combat identitaire, je nomme Med Saïd Hanouz, Amar Naroun, Mouloud Mammeri, Ali Sayad, Slimane Azem, Haroun Mohamed, Smaïl Medjber, Amar Neggadi, Hend et Ramdane Sadi, Ben Mohamed, Abdelmadjid Bali, Hessas Abdelkader, Med Ouyahia, Hassan Hiréche, Bessaoud Med Arab, Mouloud Kaneb, Med Saïd Hamiche, Mustapha Aouchiche, Mustapha Bounab, Berkouk ahmed, Salem Ould Slimane, Djekouane Belkacem, Bairi Hend, Chebli Mohamed, Mohand Oussaïd, Makhlouf Rachid, Ali Fatah, Smahi Djilali ainsi qu’à tous les artisans de l’amazighitude. Aujourd’hui même si le combat identitaire amazigh s’essouffle en Algérie, il continu à prendre de l’ampleur au Maroc.
Le Mouvement amazigh est l’expression d’une revendication identitaire, culturelle et linguistique, qui, au nom de la démocratie, revendique une prise en charge du patrimoine commun et présente une vision globale d’une Algérie moderne, libre, démocratique, tolérante, ouverte sur le monde. De ce fait, l’ensemble des revendications s’inscrit dans le combat pour la Démocratie et le respect des droits de l’homme. La revendication culturelle amazighe demeure indissociable du combat pour cette Algérie libre démocratique. Au Maroc le mouvement culturel amazigh est porté par de nombreux intellectuels qui réclament tous l’officialité de la langue amazighe. Il existe au Maroc une stratégie de négociation et toutes les régions du Maroc sont représentées dans le mouvement culturel amazigh. Les Amazighophones au Maroc représentent près de 70% de la population. Bien que les Amazighophones représentent de 40 à 50% de la population, portée par la seule région de la Kabylie, la revendication culturelle en Algérie depuis l’indépendance se solde à chaque période par des confrontations avec le pouvoir. Ces confrontations ont endeuillé plusieurs familles par le sacrifice de plusieurs Martyrs. Aujourd’hui l’Algérie reconnait l’amazigh comme langue nationale dans la constitution en faisant payer un lourd tribut à son peuple et à sa jeunesse. N’oublions pas que les grandes manifestations initiées par le mouvement des citoyens ont laissé plusieurs familles en deuil avec un terrible bilan de 132 Martyrs et plus de 5000 blessés. Combien de Martyrs faudrait-il encore de sacrifices pour faire aboutir les revendications légitimes de tout un peuple ? S’il est certain que le statut de langue nationale confère à une langue un certain renom, c’est le statut de langue officielle qui lui donne des droits véritables. Son utilisation dans l’administration, à l’école, dans les médias etc… Il est urgent de satisfaire la reconnaissance officielle de l’amazigh et de lui attribuer des moyens juridiques et institutionnels indispensables à son réel développement.
La langue amazighe patrimoine commun des Amazighiens* deviendra officielle en Amazighie* une fois que ses pays s’inscriront dans des régimes démocratiques y compris La Libye. De nombreux militants Libyens sont passés par l’Académie Berbère. Les Libyens mènent depuis longtemps un combat pacifique pour la réappropriation de l’identité amazighe et la co officialité de la langue qui en découle. Cette co officialité de la langue amazighe est un droit historique inaliénable. Dans une Libye Libre est démocratique que j’appelle de mes vœux, la question ne doit même pas se poser. Pour conclure, je cite notre guide, ce visionnaire en lui rendant un énième hommage. Je veux évoquer Dda Lmouloud* / Le réveil des peuples aujourd’hui lui donnent raison.
« Quand trop de sécheresse brule les cœurs, Quand la faim tord trop d’entrailles Quand on rentre trop de larmes, Quand on bâillonne trop de rêves, C’est comme quand on ajoute bois sur bois sur le bucher A la fin, il suffit du bout de bois d’un esclave Pour faire dans le ciel de dieu et dans le cœur des hommes Le plus énorme incendie »
Ceux, qui comme moi militent depuis fort longtemps pour que soit reconnue la langue amazighe comme langue officielle à côté de la langue arabe, connaissent l’œuvre gigantesque de Dda Lmouloud. IL a été et demeurera notre guide. Il a donné à la littérature algérienne ses lettres de noblesse. Sa grammaire berbère éditée en 1976 restera le fondement essentiel de notre langue. Sa sortie a permis son développement et a encouragé de nombreux jeunes à des créations d’œuvres littéraires ouvrant la langue et la culture berbères à l’universalité. Dda Lmouloud demeurera le symbole de l’éternité amazighe et celui de l’Homme Libre. Son nom restera à jamais ancré dans la mémoire de son peuple et traversera les générations futures. Demain, je suis sûr que l’on dira la langue de Dda Lmouloud pour la langue amazighe, comme on dit la langue de Molière pour le français, de Shakespeare pour l’anglais et de Goethe pour l’allemand.
DEFINITION PAR MED OURAMDANE KHACER
Amazighie* = Maghreb, Afrique du Nord (Territoire avec les Iles Canaries) Amazighien*= Maghrébin, Nord Africain (Amazighophone, Arabophone, Canarien) Amazighitude* = Berbéritude = Amazighité Tifinnegh* = Tifinagh (Signifie notre trouvaille) Dda Lmouloud*= Mouloud Mammeri
Par M. Med Ouramdane KHACER
Ancien Membre de l’Académie Berbère Président de l’association Afus Deg Wfus A Roubaix le 10 mars 2011
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire