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vendredi 17 août 2012

PAR LE FEU, LE FROID, LA FAIM


PAR LE FEU, LE FROID, LA FAIM

NOTE UTILISATEUR: %1$S / %2$S: / 5 
MAUVAISTRÈS BIEN 
Un peu partout dans le pays, les citoyens regardent, incrédules et révoltés,les incendies de forêts provoqués par les militaires. Dans certaines situations, les paysans ont assisté à la disparition de leurs oliveraies sans pouvoir souffler mot. Il est même arrivé que des habitations soient emportées par ces actes de pyromanie institutionnelle.

En nombre insignifiants devant l'énormité de la tâche, les pompiers sous-formés, courent d’un  sinistre à l’autre  avec des équipements obsolètes. Démotivés face à  ces opérations hillaliennes officielles,  ils s’en tiennent au service minimum et s’occupent à protéger les habitations quand leurs engins  permettent d’accéder à la périphérie des villages.La semaine passée deux pompiers, isolés de leur groupe, sont morts à Souk-Ahras par ce que les moyens d’observation et les transmissions n’ont pas suffi à apprécier l’importance du feu et anticiper le sens de sa progression.
Excédés par tant d’injustice, des comités de villages de Kabylie se sont rendus au secteur militaire de Tizi-Ouzou pour attirer l’attention du commandement régional sur des opérations vécues dans une grande colère par des populations rurales qui voient ces agressions commises de façon délibérée se répéter maintenant depuis  plusieurs années. L’officier, qui a pris le temps d’écouter les doléances des villageois, leur a présenté une note émanant d’Alger recommandant de brûler tout  buisson, bosquet ou massif forestier susceptible d’abriter des terroristes.


Au final, les services concernés estiment, sans l’avouer publiquement, que ces incendies ont détruit que l’armée française pendant la guerre de libération.
La symbolique d’un pouvoir recourant  à la dévastation par le feu pour se protéger en exposant au dénuement voire à la mort des citoyens est forte. On a rarement vu une administration afficher ouvertement des objectifs aussi contraires aux intérêts et besoins des populations qu’elle est censée protéger et assister.
Cette année, les dommages sont encore plus vastes : «  les branchages  arrachés par le poids de la neige l’hiver dernier sont comme du gaz », déplore un vieux paysan qui a vu le célèbre massif de Tamgout réduit en montagne pelée en l’espace d’une semaine par pas moins de huit foyers dont la majorité ont été déclenchés par l’ANP. Les autres étant le fait de braconniers ou de défricheurs qui profitent de l’aubaine pour s’approprier illégalement des parcelles.

Cette stratégie de la terre brulée  n’arrête pas d’être perfectionnée. En voici quelques procédés. Les soldats attendent le moment où le vent ne risque pas de rabattre  les flammes sur leurs tentes ou leurs baraquements pour  mettre le feu à un buisson et suivent, un peu comme Néron observant la calcination de Rome, la propagation du sinistre qui avale forêts, vergers et, à l’occasion, maisons. Quand les alentours immédiats sont « nettoyés », la technique peut être affinée. On asperge d’essence un vieux pneu, on craque dessus une allumette et on l’envoie rouler dans des précipices où il est extrêmement difficile de le suivre. L’engin  laisse derrière son sillage une trainée de flammèches qui sont autant de départs de feu potentiels. Une autre méthode,d’apparence moins provocante, n’est pas moins nuisible. Elle consiste à attendre les jours de grandes canicules pour décider d’une opération de bombardements sur une forêt pouvant servir de campement ou de zone de transit aux terroristes. La salve d’obus ne manque jamais de produire des étincelles qui  transforment les flancs de montagnes en brasier en  un rien de temps du fait des températures extrêmes et des sous-bois  abandonnés par les services des eaux et forêts aux broussailles autant par manque de moyens que par impuissance et dépit devant l’acharnement récurrent de l’armée à relancer chaque été son programme feux d’artifices.

L’argument avancé par les sources militaires qui daignent s’exprimer sur le sujet est un peu attendu. Il faut protéger les troupes en éliminant tout obstacle pouvant camoufler des assaillants, dissimuler un engin explosif au détour d’un virage ou à proximité d’un croisement...Vouloir éliminer tout arbre ou buisson qui peut cacher un terroriste conduira fatalement  à l’extinction du patrimoine forestier. L'extension de la logique d’une telle stratégie de défense  est redoutable. Combien de villages faudra-t-il évacuer ou raser pour être absolument certain de priver l’insurrection islamiste de tout soutien ?…
Au fond, ces incendies apportent une autre démonstration de l’impossibilité structurelle du système algérien à élaborer une politique prenant en charge ses intérêts et qui soit compatible avec les droits et attentes de la société.
Par ailleurs, on constate à travers de tels actes, dont l’efficacité est loin d’être vérifiée,  que pour le régime, la gestion des affaires publiques doit limiter  ses objectifs à la satisfaction immédiate de la sécurité et du confort des dirigeants. En l’occurrence, le coût environnemental et financier qu’auront à payer les générations futures à la déforestation générale du pays est, par définition,  non intégrable dans les estimations et programmations de l’Etat. Le destin national se confond avec la durée de vie du clan au pouvoir.

On se rappelle de l’incurie des pouvoirs publics lors des chutes de neige qui ont affecté le nord du pays au mois de février. Administration démembrée, manque de chasse-neiges, stocks en butane insignifiants…ont coûté la vie à des dizaines de personnes qui ont péri par ce que les moyens de l’Etat n’étaient pas destinés à répondre à ce genre de demandes. Les hélicoptères de l’armée qui auraient pu larguer des rations alimentaires, évacuer les malades ou acheminer des compagnies de fantassins pour aider au déneigement n’ont été mobilisés que dans des cas rarissimes. Pendant un mois, des familles sont restées coupées du monde et sans la solidarité spontanée qui s’est tissée entre les villages et la mobilisation autonome de certains élus locaux, la maladie, la faim et le froid auraient, à coup sûr, occasionné des drames bien plus nombreux. 
Dans les grandes cités, on découvre depuis maintenant plus de deux ans que des personnes âgées,souvent de sexe féminin, sont envoyées à la nuit tombée  fouiller les poubelles des quartiers voisins pour éviter à des membres de la famille plus jeunes d’être reconnus par leurs proches. Pour l’instant, cette détresse scandalise moins  l’opinion que les dangers encourus lors des incendies provoqués par l’armée. Elle n’en est pas moins une conséquence directe de la gestion inique des ressources nationales dans un pays où le gouvernement affirme disposer de 200 milliards de dollars de réserve de change.

« Quand ce n’est pas la faim, c’est le froid et quand on a survécu à l’un de ces deux fléaux, on peut très bien périr par leur feu », lâche, désespéré,  un habitant de l’Akfadou qui a échappé de justesse aux flammes en allant faire sortir en catastrophe son bétail parqué dans une étable à la lisière du bois.
Rêvons. Imaginons un instant que l’armée soit aussi entrainée à intervenir dans les grandes catastrophes naturelles. Imaginons qu’après les intempéries de l’hiver 2012, le ministère de la défense ait impliqué quelques-uns de ses bataillons dans le ramassage des branches  cassées par les neiges et le nettoyage des pistes forestières. Imaginons que l’Algérie achète moins de MIG et se dote de quelques canadairs pour traiter rapidement  les départs de feu. Imaginons qu’au lieu de recruter et de suréquiper  300 000 policiers et près de 100 000 gendarmes pour un pays de 30 millions d’habitants pour prévenir ou réprimer les Algériens qui manifestent pacifiquement, on affecte une partie de ces moyens à la protection civile et à l’encadrement des jeunes.
Est-il surréaliste de penser  qu’alors les citoyens se (re) mobiliseraient pour assister les forces de sécurité dans leur lutte contre le terrorisme ?
On a souvent dit du pouvoir algérien qu’il était prédateur. Cela n’est que partiellement  vrai. Le prédateur sait d’instinct que sa survie dépend de l’équilibre de son milieu. Ayant un sens inné  de la durée, il ne prélève que ce dont il a besoin.

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