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vendredi 11 mai 2012

Sahel: Aqmi et les ambiguïtés algériennes | Slate Afrique

Sahel: Aqmi et les ambiguïtés algériennes
Un rapport parlementaire français souligne les «ambiguïtés» de l’Algérie face à Al-Qaïda au Maghreb islamique et souhaite un engagement plus intense d’Alger contre les katibas sahéliennes.

Un soldat malien le 4 mars 2012. REUTERS/ Luc Gnago

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Adrien Hart

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Abdelhakim Belhadj  Aqmi  coup d'Etat Mali  MNLA  Mujao

L’Algérie en fait-elle assez contre les « fous de Dieu » d’Al-Qaïda dans le Sahel? La question peut paraître incongrue pour un pays ayant combattu pendant une décennie les islamistes lors d’une guerre civile qui a plombé les années 90.

Mais depuis des années, plusieurs observateurs relèvent le manque d’empressement de l’armée algérienne à faire le ménage près de ses frontières méridionales, au cœur d’un Sahel devenu le terrain de jeu de combattants islamistes, rebelles touareg et trafiquants en tout genre.

Et un récent rapport parlementaire français sur « la situation sécuritaire dans les pays de la zone sahélienne » enfonce le clou et pointe du doigt les «ambiguïtés » d’Alger dans la lutte contre Aqmi dans le Sahel.

Un sujet sensible qui coïncide avec le 50ème anniversaire de l’indépendance algérienne.

Le rapport a été présenté par les députés Henri Plagnol et François Loncle le 6 mars 2012, soit avant le coup d’Etat militaire au Mali et l’avancée spectaculaire des rebelles touareg et combattants islamistes dans le nord du pays. Mais n’a rien perdu de son actualité, au contraire.

Tout d’abord, les auteurs du rapport (qui se sont rendus en Mauritanie, au Sénégal, au Mali, au Burkina Faso et en Algérie) rappellent que l’Algérie et Aqmi sont « intimement liés par l’histoire, la géographie et la sociologie ».

La branche maghrébine d’Al-Qaïda est en effet l’héritière du GIA (Groupe islamique armé) et du GSPC (Groupe salafiste pour la prédication et le combat), deux mouvements islamistes algériens. Et encore aujourd’hui, les cadres d’Aqmi sont Algériens.

Mais « les autorités algériennes cherchent à établir une différence entre les actions d’Aqmi sur le sol algérien et les katibas sahéliennes ». Il est vrai que dans le nord du pays, Alger a gagné la guerre contre les islamistes, même si des attaques ponctuelles ont toujours lieu.

En revanche, dans le sud saharien, la situation est beaucoup plus volatile. « Comme si l’Algérie n’avait pas forcément été mécontente d’avoir relégué à la marge, dans le Sahara et chez ses voisins, une partie des effectifs terroristes », avance le rapport français.

Cette migration vers le Sud des terroristes algériens explique en grande partie la dégradation depuis plusieurs années  de la situation sécuritaire dans le Nord malien.

Alger a en quelque sorte exporté chez ses voisins méridionaux ses propres islamistes armés, dont elle n’arrivait pas à se débarrasser. Merci pour le cadeau, peut dire Bamako.

« Il est incontestable que, jusqu’à présent, l’attitude de l’Algérie face à la menace représentée par Aqmi sur son flanc sud a été ambiguë et a pu confiner au double, voire triple langage », soulignent les auteurs du rapport.
Nouakchott envoie ses hommes au feu malien

Tout est dit, même si le ton reste diplomatique pour ne pas froisser des susceptibilités à vif sur cette question.

L’Algérie « affirme prendre au sérieux cette menace mais s’affirme résolument contre toute action concertée impliquant l’armée algérienne hors de son territoire ». Et quand l’armée algérienne reste les bras croisés alors que le Nord malien subit les assauts islamistes, c’est Nouakchott qui envoie ses hommes au feu malien.

Pourquoi l’armée mauritanienne fait le job et pas les militaires algériens? Quel intérêt à laisser perdurer le chaos à ses frontières méridionales, une zone d’intenses et très lucratifs trafics ?

Mais l’Algérie n’est pas le seul pays critiqué dans le rapport parlementaire français. Le Mali y est décrit comme « le maillon faible de la lutte contre Aqmi » en raison notamment d’un « niveau de corruption très important, supérieur sans doute au reste d’une région pourtant fortement touchée par ce phénomène ».
Attitude étonnante du président Amadou Toumani Touré

De plus, les forces armées, essentiellement originaires du sud, « sont inadaptées et montrent rapidement leurs limites » dans le nord désertique, selon les auteurs.

Les deux députés français ont en outre constaté que « l’attitude du président Amadou Toumani Touré concentre les critiques les plus virulentes. Celles-ci vont de la simple apathie à des accusations beaucoup plus graves faisant état d’un +pacte+ conclu entre le chef de l’Etat et Aqmi ».

Si les auteurs du rapport ajoutent aussitôt que « l’honnêteté oblige à nuancer ces reproches », ils n’en ont pas moins été formulés, en toutes lettres, dans un rapport officiel. Et rejoignent de nombreux témoignages sur la passivité, au plus haut niveau de l’Etat, face au trafic de cocaïne et aux islamistes armés.

Le rôle exact d’ATT, renversé par un coup d’Etat militaire juste avant la fin de son dernier mandat, n’est pas encore bien connu. Il semble néanmoins porter une grande responsabilité dans la situation actuelle du Mali.

Mais si les Algériens ont cru se débarrasser à moindre frais de la menace islamiste, en l’exportant dans le nord-malien, ils doivent maintenant gérer l’effet boomerang.

La partie septentrionale du Mali est devenu une zone grise, un trou noir échappant à tout contrôle étatique, un aimant, une nouvelles frontière pour les « fous de Dieu » venus du Nigeria, de Libye, d’Egypte mais aussi de Somalie et du Pakistan. Pas sûr que cela soit une bonne nouvelle pour Alger…

De plus, l’Algérie est à son tour confronté à une crise des otages touchant ses propres ressortissants.

Le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao), une dissidence d’Aqmi,  a enlevé le 5 avril à Gao le consul d’Algérie et six de ses collaborateurs.

Ils réclament, en échange de leur libération une rançon de 15 millions d’euros et la remise en liberté d’islamistes détenus en Algérie. Et viennent de lancer un ultimatum de 30 jours au gouvernement algérien.

Situation inédite pour Alger, en pleine période électorale, et qui a toujours critiqué les pays occidentaux payant des rançons à Aqmi contre la libération de leurs otages.

La crise des otages pourrait être l’occasion pour Alger de prendre enfin conscience que ce qui se passe chez ses voisins du Sud, Mali en premier lieu, a très rapidement un impact en Algérie.

Elle pourrait également favoriser une plus grande coopération avec les armés de Mauritanie et du Niger, ainsi qu’avec les forces françaises déployées dans la région. Et permettre à Alger de sortir de l’ « ambiguité ».

Adrien Hart 

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