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jeudi 17 octobre 2013

islamisation et soif de pouvoir - Culture - El Watan

Gouverner au nom d’Allah de Boualem Sansal

islamisation et soif de pouvoir

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le 17.10.13 | 10h00

| © D. R.

Ni un pamphlet ni une enquête, une sorte d’objet éditorial non identifié d’une lucidité glaçante, le dernier livre de Boualem Sansal
Gouverner au nom d’Allah est à la fois revigorant et désespérant.

Ne pas se fier à ce sage fou qui balance des vérités comme d’autres cherchent des lauriers ou de la reconnaissance. Son regard jette le trouble à force de lucidité. Il évacue d’emblée toute prétention au titre «d’expert en islamisme», ces spécialistes qui courent sur tous les plateaux de télévision pour répéter au mot près la dernière dépêche de l’AFP, en guise d’analyse. «Mon texte n’est pas un traité académique, je ne suis ni historien ni philosophe, il n’est pas davantage une investigation journalistique, encore moins un rapport d’expert en islamisme, et pas du tout un essai d’islamologie. Il est la réflexion d’un témoin, d’un homme dont le pays, l’Algérie en l’occurrence, a été très tôt confronté  à l’islamisme, un phénomène inconnu de lui jusque-là».
D’où viennent donc les islamistes et l’islamisme ? En Algérie, ils étaient regardés avec condescendance, tous ces outaz venus d’Orient pour arabiser tout un peuple. L’ancien président Houari Boumediène visait à museler sa gauche progressiste. Il a donc fait appel à tous ces enseignants du Machraq, diplômés ou pas, adeptes des Frères musulmans. «Nous les avons accueillis avec sympathie, un brin amusés par leur accoutrement folklorique, leur bigoterie empressée, leurs manières doucereuses et leurs discours pleins de magie et de tonnerre, ils faisaient spectacle dans l’Algérie de cette époque, socialiste, révolutionnaire, tiers mondiste, matérialiste jusqu’au bout des ongles, que partout dans le monde progressiste on appelait avec admiration ‘‘la Mecque des révolutionnaires’’.Quelques années plus tard, nous découvrîmes, presque à l’improviste, que cet islamisme qui nous apparaissait si pauvrement insignifiant s’était répandu dans tout le pays», se souvient l’auteur du Serment des Barbares.
Sa crainte ? La disparition de l’Islam, remplacé par l’islamisme, érigé en religion. Les coupables ? Les Etats prosélytes, les élites, les intellectuels, les médias, la rue… Boualem Sansal n’a jamais caché le peu d’estime dans lequel il tient ses confrères. «(…) Les intellectuels musulmans, dans leur immense majorité, se tiennent dans une attitude de retrait assez incompréhensible, mélange de peur, d’indifférence, de soumission. Il ne semble pas que le temps de l’émancipation soit venu pour ces élites. Dans leur pays, elles sont prisonnières de l’ordre traditionnel qui se resserre sur elles, et dans l’émigration, où pourtant elles jouissent d’une certaine liberté, elles se confinent dans la marginalité, volontairement peut-être ou parce que la société ne les intègre pas ou le fait simplement par le biais économique».
Et d’enfoncer le clou : «Le problème est que leur silence assourdissant est préjudiciable, il apparaît comme une
adhésion et un soutien aux thèses islamistes (…). En vérité, beaucoup n’arrivent tout simplement pas à se déterminer, ils n’adhèrent pas aux thèses des islamistes, mais comprennent leur révolte contre l’Occident et les dictatures qui gouvernent leurs pays, et ils adhèrent aux valeurs de l’Occident mais lui reprochent le ‘‘deux poids, deux mesures’’ et l’ambiguïté qu’il pratique à l’encontre des peuples arabes, musulmans et africains, soutenant une fois la dictature, une fois les islamistes, tout en prêchant la démocratie et les droits de l’homme».
Au jeu de qui manipule l’autre, il n’est pas certain que les «régimes frères» aient le dernier mot.Le plan se retourne contre ceux qui l’avaient conçu, les islamistes leur échappaient. «Tous les Etats musulmans ont, à un moment ou un autre, été des vecteurs de propagation de l’islamisme. Ils l’ont fait en connaissance de cause, pour faire barrage à l’idéologie communiste, venue de Moscou, qui au final a quand même pu prendre pied et s’installer dans plusieurs pays musulmans, ou pour briser la montée des revendications démocratiques inspirées par l’Occident, dont les idées ont pu également pénétrer la société et accrocher certains milieux (femmes, professions libérales, intellectuels, syndicats, étudiants).
Les Etats musulmans ont fait de l’Islam la ‘‘religion d’Etat’’ et ainsi l’ont géré comme un programme de propagande de masse mis en œuvre par les apparatchiks du parti et de la police politique». Une conclusion, plutôt des interrogations. Le pire n’est pas certain. «Toutes les questions, les toutes peurs, tous les espoirs également sont possibles. Jusque-là, dans le monde arabe, nous n’avons connu les islamistes que dans l’opposition, pacifique ou armée. A présent, ils sont au pouvoir. C’est réellement une nouvelle ère qui commence pour les pays ‘‘arabes’’. Pour le monde aussi, peut-être.» Pour le meilleur ou le pire ?

Gouverner au nom d’Allah : islamisation et soif de pouvoir dans le monde arabe, Boualem Sansal
Rémi Yacine

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